Du 27 novembre au 1er décembre 2023, l’Ong anglaise Environmental Justice Foundation (EJF) a organisé en collaboration avec ses partenaires locaux une formation sur la documentation des activités de pêche illégale en utilisant une solution technologique DASE. Cette formation a eu deux volets : le premier volet porte sur la formation des autorités locales à la documentation des activités de pêche et à l’analyse et l’interprétation des données reçues par l’intermédiaire de DASE, qui s’est tenue à Mouanko, département de la Sanaga-Maritime, région du Littoral. Celle-ci a rassemblé les parties prenantes et les autorités locales (ministère de l’Elevage, des Pêches et des Industries animales (MINEPIA), ministère des Forêts et de la Faune (MINFOF), Cameroon Wildlife Conservation Society (CWCS) et une visite chez le sous-préfet). Le second volet concerne la formation à l’attention des pêcheurs uniquement sur la documentation des activités de pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN). Cette formation a été dispensée dans trois campements de pêche situés le long de la côte Douala-Edéa, à savoir : Mbiako, Youme II et Yoyo I.
Au total, environ 75 participants ont été impliqués dans la formation, notamment des pêcheurs, des chefs traditionnels, le personnel de CWCS, des représentants du MINEPIA et du MINFOF. En outre, des équipements pour la surveillance communautaire ont été remis aux communautés, notamment des smartphones, gilets de sauvetage, jumelles, chasubles et pochettes étanches, pour protéger les téléphones des pêcheurs afin de s’assurer qu’ils ne sont pas endommagés au cours du processus.
Une formation courue
Les participants ont montré un grand intérêt pour le programme de formation (théorique et pratique). « Je tiens à remercier EJF d’avoir transmis et partagé ces connaissances et expériences, qui nous aideront à dénoncer les incursions de chalutiers et à protéger notre principale source de revenus ainsi que notre matériel de pêche. Je demande également à votre organisation [EJF] de nous soutenir autant que possible contre ces chalutiers, en particulier en ce qui concerne la récupération de nos équipements lorsqu’ils sont endommagés par ces derniers », a confié avec joie le président des pêcheurs de Mbiako, Orimisan Omoruyi. « Maintenant que nous avons l’équipement, notre devoir est de documenter autant que possible les chalutiers. Nous vous demandons également de suivre les informations partagées…», a-t-il ajouté.
Du côté des pouvoirs publics, la formation a été accueillie avec intérêt. « L’atelier a été très utile, important et en même temps une expérience d’apprentissage pour les écogardes et moi qui travaillons dans ce service de conservation. Nous n’avions jamais eu ce type de formation auparavant. Elle est pratique et ne requiert que des connaissances spécifiques à appliquer », a indiqué le conservateur du parc national de Douala-Edéa, Eitel Pandong. « Grâce aux connaissances que nous avons acquises, nous serons en mesure de renforcer nos efforts de surveillance pour détecter et dissuader les activités de pêche INN ainsi que d’autres activités illégales dans le parc national de Douala-Edéa. Nous tenons à remercier EJF pour son soutien et sa collaboration continus. Nous attendons avec impatience la prochaine étape de la mise en œuvre de ce projet », a-t-il poursuivi.
Plus-value de l’application DASE
L’application DASE est installée sur les smartphones distribués aux communautés de pêcheurs et sur les smartphones des pêcheurs eux-mêmes, afin qu’ils puissent l’utiliser lorsqu’ils sortent en mer. Ainsi, lorsqu’un bateau est repéré en train de pêcher illégalement ou d’endommager des canoës ou du matériel des pêcheurs artisans, il suffit à l’utilisateur d’ouvrir l’application, de prendre une photo du navire avec son nom et son numéro d’immatriculation, d’enregistrer la position GPS du navire et de cliquer sur « soumettre ». L’application fait le reste en téléchargeant ces informations vers une base de données centrale, où ces preuves peuvent être utilisées par le gouvernement pour faire appliquer les sanctions prévues par la règlementation en vigueur à l’encontre des contrevenants.
L’application a été spécialement conçue pour la documentation de la pêche INN. L’espace de stockage nécessaire sur le téléphone est assez suffisante. Et, si les pêcheurs sont hors de portée d’une connexion Internet, les preuves seront automatiquement téléchargées dès que la connexion sera rétablie. L’application permet également d’ajouter des informations supplémentaires, telles que des vidéos. Dans un premier temps, il suffit d’une photo et de la position GPS, qui peuvent être enregistrées rapidement et facilement en mer. DASE est une application dissuasive et apporte des preuves irréfutables des potentielles infractions.
La lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN) en bout de chaîne
Le but du déploiement de l’application DASE par EJF est de contribuer à la transparence et à la lutte contre la pêche INN à travers une surveillance participative. Concrètement, les communautés ont la capacité de documenter en temps réel lorsqu’un chalutier effectue une incursion dans la zone de moins de trois milles marins, dans les aires marines protégées (AMP) ou encore détruit le matériel de pêcheurs artisans et de demander des comptes. Ce déploiement dans la région de Douala-Edéa permet d’améliorer la communication entre les utilisateurs des ressources et les décideurs, ainsi que la collaboration au niveau communautaire dans la lutte contre la pêche INN au Cameroun. Toute chose qui va conduire également à une exploitation durable des ressources halieutiques.
D’après EJF, il est essentiel de continuer à développer et à renforcer la confiance entre les communautés et les autorités afin d’encourager le signalement et de renforcer la surveillance communautaire encore en gestation au Cameroun. Ce qui permettra aux autorités de prendre des décisions éclairées en matière d’application de la loi.
Faut-il préciser que DASE (qui signifie « preuve » en langue Fanti ou Fante du Ghana où elle a été initialement introduite, ndlr) est une application pour smartphone gérée par EJF. C’est la première fois qu’elle est opérationnelle au Cameroun. Au-delà du déploiement initial, EJF s’engage à continuer à fournir un soutien complet aux pêcheurs avec lesquels elle travaille, et continuera à introduire l’application dans de nouvelles communautés.
L’application DASE est opérationnelle ailleurs en Afrique. Elle s’est révélée efficace dans la lutte contre la pêche INN au Ghana, au Liberia et au Sénégal, où des centaines de pêcheurs, d’artisans et d’autorités locales se sont engagés à travailler ensemble pour lutter contre la pêche INN.
La surveillance participative, une préoccupation commune
Environmental Justice Foundation (EJF) travaille en partenariat avec la Cameroon Wildlife Conservation Society (CWCS), le Ministère des Forêts et de la Faune (MINFOF) et le Ministère de l’Elevage, des Pêches et des Industries animales (MINEPIA). L’objectif principal de l’Ong est de mettre en place une surveillance communautaire solide, afin de réduire les possibilités d’activités de pêche illégales dans les aires marines protégées (AMP) du parc national de Douala-Edéa, notamment les incursions de chalutiers industriels et dans les limites des trois milles marins, interdites aux activités des pêches industrielles par la règlementation en vigueur.
La surveillance participative favorise le partage d’informations et la collaboration entre les départements ministériels impliqués dans l’application de la législation sur la pêche (actuelle/à venir) et les communautés locales, en encourageant un front uni contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN).
EJF estime qu’il s’agit d’une étape essentielle pour parvenir à la transparence dans l’industrie de la pêche et faire respecter le cadre légal et réglementaire régissant l’exploitation des ressources marines. « La participation des pêcheurs artisans, dont les moyens de subsistance sont en jeu, à la surveillance est une étape essentielle vers une pêche éthique, durable et légale », a indiqué le fondateur de l’Ong Environmental Justice Foundation, Steve Trent. « Lorsqu’ils disposent des outils nécessaires pour signaler directement et rapidement la pêche illégale, ils peuvent contribuer de manière décisive à réduire l’énorme déficit de données dans la lutte contre la pêche illégale » poursuit notre source.
La partition des pouvoirs publics
Le 19 octobre 2023, le préfet du département de la Sanaga-Maritime, Cyrille Yvan Abondo, a pris un arrêté préfectoral portant création, organisation et fonctionnement d’une commission chargée de la surveillance participative des activités de pêche dans les eaux territoriales de sa circonscription administrative. La décision prise grâce au plaidoyer d’EJF est motivée par la situation de pêche INN sur la façade maritime du département de la Sanaga-Maritime et par la nécessité de maintenir l’ordre public entre les différents du sous-secteur pêche sur la façade concernée.
La commission présidée par le préfet a pour objectif de : mobiliser et fédérer les différents acteurs de la pêche dans les eaux maritimes, afin qu’ils contribuent à la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non règlementée ; protéger toutes les zones identifiées comme habitats sensibles des poissons et participer au constat des infractions en matière de pêche. « La commission se réunit en tant que de besoin sur convocation de son président qui peut faire appel à toute autre personne ressource, en raison de sa compétence et des sujets inscrits à l’ordre du jour », précise l’arrêté préfectoral.
EJF est soucieux de la transparence dans les activités de pêche à travers le monde
EJF travaille dans le monde entier à l’amélioration de la transparence dans le secteur de la pêche. Outre DASE, l’Ong a formé une vingtaine de journalistes camerounais le 8 juin 2023 à Kribi (Cameroun) pour qu’ils puissent rendre compte des questions de pêche. EJF est en outre un membre fondateur de la Coalition pour la transparence dans le secteur de la pêche. Dans le cadre de cette coalition, elle soutient la Charte mondiale pour la transparence, un ensemble de mesures pratiques et rentables visant à faire sortir la pêche de l’ombre et à garantir la sécurité et la santé des océans.