Les motifs sont relatifs à la rébellion et trouble à l’ordre public, qualifiés d’actes criminels relevant du grand banditisme. Suite à un engagement écrit pris par l’autorité traditionnelle de ne plus inciter ses sujets à la révolte, il est libéré le 14 avril dernier à 17h 25 minutes.
Auparavant, la communauté a immobilisé les engins de la Socapalm qui, d’après elle, engageait les travaux préparatoires pour le rajeunissement de son verger. Dans la foulée, Monsieur Aimé Etame Etame, notable à Apouh, aurait été renversé par le véhicule du directeur de plantation Socapalm-Edéa, Giorgio Cappelletti. La vidéo de cette scène est devenue virale sur les réseaux sociaux. La Socapalm a dû publier un communiqué daté du 13 avril dans lequel elle ne reconnaît pas avoir « attenté à la sécurité des personnes présentes ». « Les allégations graves mentionnées sur certaines pages Facebook sont dangereuses et mettent en péril la paix sociale et la sécurité des personnes concernées. Nous appelons maintenant à l’apaisement de la situation et nous engageons à poursuivre le processus de dialogue avec nos communautés », renseigne-t-elle.
La terre comme pomme de discorde
Depuis une dizaine d’années, les communautés d’Apouh dénoncent les activités de la Socapalm autour de leurs habitations, qui les empêchent d’avoir accès à la terre pour cultiver et/ou pratiquer les rites funéraires. « Ils ont pris pratiquement 90% des terres. Nous n’avons plus d’espaces pour cultiver. On doit aller très loin sur 15 à 20 km pour pratiquer l’agriculture », dénonce S.M. Ditope. Notre interlocuteur révèle en outre des conséquences écologiques comme le changement de climat, l’asséchement des rivières ou encore les nuisances industrielles. Malgré cela, la communauté est péremptoire. « Notre intérêt n’est pas de bloquer le fonctionnement de la Socapalm. Nous savons que c’est une société vitale pour l’économie nationale. Nous nous opposons au replanting autour des habitations villageoises », soutient le chef de 2e degré.
Entre fin septembre et début octobre 2022, une équipe technique du ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières (Mindcaf) a effectué une descente à Edéa, à l’issue de laquelle elle a interdit le replanting autour des habitations villageoises, qu’il y ait un titre foncier ou pas. L’équipe technique a également recommandé à la Socapalm de laisser un espace vital d’au moins 250 hectares dans la localité, à prélever par l’administration. Le 10 août 1960, un titre foncier numéro 184 d’une superficie de 984 hectares a été établi au profit de la Société des plantations réunies de l’Ouest africain (SPROA) qui fait aujourd’hui partie du patrimoine immobilier de la Socapalm, suite au rachat des actifs de la Plantation de la ferme suisse en 2010.
En janvier dernier, la Socapalm a lancé la campagne de replanting 2023. Suite à l’opposition des populations, le sous-préfet d’Edéa 1er a demandé d’arrêter les travaux dans la zone contentieuse et de poursuivre les activités ailleurs. Une descente concertée sur le terrain a été convenue pour le 13 mars dernier, afin d’identifier les zones où le replanting se ferait. Contre toute attente, relate S.M. Ditope Lindoume, l’agro-industrie a engagé les travaux de manière unilatérale.
Du côté de l’administration, le préfet précise que la Socapalm dispose d’un titre foncier qui lui donne la latitude de procéder à toutes opérations à sa convenance, notamment l’abattage des palmiers vieux de plus de 70 ans. « Et quand bien même les plaintes des communautés seraient légitimes, elles doivent être réglées dans le cadre d’une plateforme tripartite Etat-Socapalm-communautés riveraines mise en place », explique le chef de terre. A son avis, le chef d’Apouh est insubordonné et toujours absent aux réunions de concertation.
Un projet de planting sur 500 hectares de plus ?
La situation qui prévaut à Apouh ne serait pas un cas isolé. D’après Marie Noëlle Etonde, présidente des femmes de la Synergie nationale des paysans et riverains du Cameroun (Synaparcam), la Socapalm a le même mode opératoire dans la plupart des zones où elle est en activité. Elle en veut pour preuve la décision des responsables de Mbonjo dans le département du Moungo, d’interdire les plantations de palmiers dans les bas-fonds. « Tout ce que les riverains veulent c’est qu’on libère les terres qui sont autour des maisons. Ils ne vont plus replanter ce qu’ils sont en train d’abattre. C’est ce qui est écrit dans le cahier de charges », martèle-t-elle. Mme Etonde ajoute qu’il y a 20 000 ha à libérer dans les 78 000 que l’entreprise dispose. En ce moment, elle paie le bail sur 58 000 ha. Une autre source proche du dossier indique que la Socapalm serait en train de vouloir planter 500 hectares de plus.